Accéder directement au contenu

Image d'illustration

Quand l'IA emprunte nos neurones

Début avril, Amazon a annoncé l'arrêt de son système "Just Walk Out" dans ses magasins Fresh aux États-Unis. Derrière cette technologie, d'achat sans caisses, censée reposer sur l'intelligence artificielle, se cachait en réalité une intelligence très humaine! En effet, il semblerait qu'un millier de personnes en Inde analysaient les images pour aider le système à identifier les articles pris par les clients. Environ 70% des achats étaient ainsi revus manuellement.

Ce cas n'est pas isolé et me rappelle une expérience vécue il y a près de 20 ans. Un prestataire proposait alors une solution d'apprentissage automatique pour transformer des publications PDF en pages web HTML. Vous allez me dire que c'est facile, mais en réalité, la mise en pages multicolonnes, les encarts, les publicités, etc. complexifiaient la tâche. À l'époque, nous ne parlions pas tous les jours d'IA. Intrigué par ce processus d'auto-apprentissage par un logiciel et sentant l'anguille sous roche, j'avais demandé des précisions. Il s'avérait que des opérateurs indiens retranscrivaient manuellement les documents jusqu'à obtenir deux versions identiques. Les erreurs remontées par le client étaient transmises aux opérateurs qui apprenaient à ne pas les reproduire, d'où l'auto-apprentissage.

De tels procédés ont été et sont toujours largement employés pour alimenter les systèmes d'information. Amazon commercialise un service en ligne appelé "Mechanical Turk". Ce dernier permet d'accéder 24 heures sur 24 à une main-d'œuvre mondiale, pour réaliser des microtâches en ligne: validation de données, recherche, réponse à des enquêtes, modération de contenus, etc. Une façon d'exploiter "l'intelligence collective" pour former les algorithmes d'apprentissage automatique. 

Vous-même êtes le cerveau et les yeux de l'IA en résolvant des captchas. Ces tests, pour vérifier que vous n'êtes pas un robot, en vous demandant de recopier des mots ou d'identifier des éléments sur une image, reposent aussi sur ce principe. En choisissant un feu rouge sur une image, vous validez en fait la réponse d'un autre utilisateur. Une fois l'information confirmée par plusieurs internautes, le fournisseur de captchas peut alors revendre ces données étiquetées.

Bien que largement présentée comme pleinement autonome, l'intelligence artificielle a encore besoin de nos yeux et de nos cerveaux pour progresser, grâce à des millions voire milliards de données d'entrainement. L'apprentissage supervisé par les humains reste indispensable pour alimenter, corriger et faire évoluer ces systèmes prétendument intelligents. Une interdépendance qui devrait encore durer longtemps.

 

Mes lectures de la semaine 17, du 22 au 28 avril 2024:

 

Rédaction assistée par Claude 3.

Image V. Leclère, pose longue.